Commémoration Pierre Semard 7 mars 2025. Intervention CGT.

Commémoration Pierre Semard 7 mars 2025

Déclaration du Syndicat CGT des Ingénieurs, Cadres, Techniciens et Agents de Maîtrise Cheminots de Tours / St Pierre-des-Corps

Je tiens tout d’abord à remercier les Cheminotes et Cheminots actifs et retraités, les représentants de l’Union Départementale et Union Local CGT, les syndicats CGT et UFCMCGT Cheminots de Tours et St Pierre des Corps, le Parti Communiste Français, les représentants de la SNCF présents aujourd’hui pour commémorer le 83-ème anniversaire de la mort de Pierre Semard lâchement assassiné par les nazis, avec le soutien du régime de Vichy, le 7 mars 1942. C’est toujours avec une immense émotion que nous nous retrouvons, tous les ans, pour partager un moment certes solennel mais aussi particulièrement fraternel et militant.

Aujourd’hui nous assistons à la banalisation des idées de l’extrême droite. Ces pensées racistes et xénophobes avancent maintenant à visage découvert dans le débat public. Le gouvernement, pour détourner l’attention des questions sociales, suit désormais l’agendas de l’extrême droite. C’est pourquoi le devoir de mémoire, que nous impose la situation nationale et internationale, revêt un caractère si important. En effet, il faut connaître le passé pour comprendre le présent et construire l’avenir.

La multiplication des conflits armés s’accompagne d’une montée significative des extrêmes droites à l’échelle planétaire. La montée des extrêmes en Europe et dans le monde met en exergue des politiques racistes et xénophobes. Les extrêmes droites mondiales sont par ailleurs du côté du Capital, pour l’accaparation des profits générés par le travail, pour les intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général. L’investiture de Trump, le 20 janvier dernier, a donné le ton d’une politique américaine décomplexée avec comme signe en ne peut plus clair, le salut Nazi du milliardaire E. Musk. Depuis, le camp Trump s’évertue à soutenir les partis d’extrême droite partout en Europe. C’est donc bien une «internationale fasciste » qui semble vouloir se créer sous nos yeux. NOUS SOMMES RESOLUMENT CONTRE LES EXTREMES DROITE.

A la mémoire de tous ceux qui sont tombés pour leurs idées progressistes, révolutionnaires, pour nos idées, je vous propose de faire un retour sur l’histoire pour nous  rappeler que nous ne devrons jamais céder devant ces individus qui prônent la haine, la différence et l’exclusion.

L’histoire commence, à Bragny-sur-Saône le 15 février 1887. C’est le jour de la naissance de Pierre Semard, il commence sa vie dans une famille cheminote. Son père est cantonnier des chemins de fer et sa mère garde barrière du réseau PLM (Paris-Lyon Marseille). C’est aussi l’année où la première bourse du travail est inaugurée à Paris le 3février. C’est à partir des bourses du travail, institutions d’un type nouveau, basées sur le regroupement au plan local que s’affirme l’autonomie du mouvement syndical.

Après plusieurs petits métiers, c’est tout naturellement, qu’il décide de devenir cheminot. En 1910 il fait une demande d’embauche auprès de la compagnie PLM en s’appuyant sur la présence de son père dans la compagnie. Alors qu’il prend cette décision une grève gagne toutes les compagnies du réseau ferré. Les revendications sont claires : lutte contre la vie chère, conditions de travail, retraite. Et oui, déjà à cette époque. Ces revendications nous apparaissent d’une terrible actualité par rapport a ce que nous vivons aujourd’hui. Malheureusement les mesures d’intimidations du gouvernement de l’époque figent la grève sur le réseau. Ce sera 3300 révocations prononcées, des déplacements de militants, des incarcérations. Beaucoup analyserons cette grève comme un échec mais Jean
JAURES écrira dans l’humanité : « il n’est pas possible de traiter en vaincue une classe ouvrière qui vient de donner une si grande preuve de force ».

Le 1er avril 1911, Pierre Semard devient cheminot comme stagiaire à la compagnie PLM à Bagnols sur Cèze dans le Gard. Il adhère au syndicat des cheminots CGT en 1916 et le 27 avril 1917 ses camarades l’élisent secrétaire du syndicat.

Pierre Semard commence à jouer un rôle national. Il fait partie de ceux qui préparent et organisent la grande grève cheminote de 1920. Dès le 1er mai il est omniprésent, sillonnant le département tout en assistant régulièrement aux réunions de grévistes à Valence. Il est révoqué le 8 mai comme près de 20000 cheminots. Cette année 1920 voit aussi l’organisation du très célèbre congrès de Tours qui officialise la scission du socialisme Français. C’est lors de ce congrès que sera créée la Section Française de l’Internationale Communiste qui deviendra, le Parti Communiste Français.

En 1921 il est élu secrétaire général de la fédération des cheminots (appelée Fédération Semard), forte à l’époque de plusieurs milliers d’adhérents, mais amputé de sa
minorité réformiste. En effet la CGT a connu une importante scission et Pierre Semard joue
un rôle important dans la création de la CGTU. Dans la tribune des cheminots « unitaires »
du 1er décembre 1921 il écrit : « Si par sa puissance, le syndicalisme arrache les revendications et assure aux travailleurs le droit à la vie, par sa propagande et son action sociale, il doit activer la chute du capitalisme et l’avènement du prolétariat »

En 1923 le PCF fait ses premières armes dans la lutte contre l’impérialisme et
dénonce l’occupation de la Ruhr par les troupes Françaises. Pierre Semard participe à l’internationale communiste à Essen le 7 janvier. Il participe à la rédaction d’un manifeste qui dit : « L’occupation de la Ruhr accentuera les antagonismes entre les différents états, elle exaspérera et enflammera les passions nationalistes ». L’histoire leur donnera raison. D’un point de vue plus syndical il intervient auprès des cheminots pour les dissuader de devenir les « briseurs » de la résistance de leurs camarades allemands. A leur retour d’Essen, les délégués français sont arrêtés et inculpés de complot contre la sureté intérieure et extérieure de l’Etat. Ce sera la première incarcération de Pierre Semard.
Pendant cette période l’extrême droite multiplie les provocations. Des députés de gauche sont molestés par des « camelots du Roy ». Et oui, n’en déplaise à certains, l’extrême droite a toujours défendu l’impérialisme et le capitalisme.

En 1924 il est élu secrétaire général du Parti Communiste Français. A bien des égards, il ne fut pas seulement le premier secrétaire général ouvrier, mais le premier secrétaire au sens du communisme du XX° siècle en France notamment. L’extrême droite pointe encore le bout de son nez. L’organisation est dans la ligne du fascisme italien. « Le faisceau » créé par Georges Valois (dissident de l’action française) est pour un fascisme français social, populaire et anticapitaliste. L’extrême droite serait donc sociale, populaire et anticapitaliste ? L’entreprise de mystification avait déjà lieu en 1924, nous pouvons voir que LE PEN et ses sbires n’ont rien inventés.

L’appel à une grève nationale, le 12 octobre 1925, pour l’arrêt de la guerre dans le RIF Marocain, subit une féroce répression. On arrête et jette en prison des ouvriers surpris à distribuer des tracts ou à coller des affiches. Pierre Semard est un de ceux qui sont poursuivi pour « provocation de militaires à la désobéissance » et il est condamné à 8 mois de prison.

Il est arrêté en juillet 1928 et libéré en janvier 1929. Cet épisode nous rappelle le profond engagement de Pierre Semard contre l’impérialisme et toute forme de guerre. C’est pourquoi nous ne devons jamais cesser de nous révolter devant les conflits meurtriers qui ont lieu partout sur la planète. Que ce soit en Ukraine, en Palestine, en Afrique où dans toutes les zones en guerre, des civils sont massacrés. Hommes, femmes et enfants, sans distinction, sont la proie des bombes. Le capitalisme et l’impérialisme sont les principales causes de toutes ces violences. Nous assistons, dans le même temps, à une augmentation des budgets destinés au réarmement. Rappelons d’ailleurs qu’avec seulement 10 % du budget des armées mondiales on pourrait éradiquer la pauvreté dans le monde en moins de dix ans.

En 1934, Pierre Semard redevient secrétaire général de la fédération CGT des cheminots. Les deux fédérations cheminotes, unitaire et confédérée, appellent les cheminots à se mobiliser, le 12 février, pour une grève générale antifasciste. Il faut bien dire que la situation en Europe à cette époque est très préoccupante. En premier lieu en Espagne. Pierre Semard est un ardent défenseur de la cause républicaine espagnole. Il condamne sans détour le positionnement français de non-intervention et démontre les conséquences et les dangers du fascistes en France. Dans la tribune des cheminots il écrit :
« Quand se décidera-t-on à reconsidérer cette politique de dupes, dirigée seulement contre le gouvernement régulier d’Espagne ? Notre CGT l’a demandé depuis des mois ».
En Allemagne aussi la situation inquiète. Hitler est arrivé au pouvoir en 1933, son parti a gagné les élections de 1932. Ce parti totalitaire est arrivé au pouvoir en surfant sur la crise économique, en distillant la haine et en faisant croire à la population que tous les problèmes venaient de l’autre, de l’étranger. L’extrême droite, aujourd’hui, reprend ces théories en disant vouloir défendre les travailleuses et travailleurs. Nous devons interpeller nos concitoyens et leurs faire entendre ce que l’histoire nous crie. La haine et l’exclusion des autres ce n’est pas la solution. Si nous laissons faire, c’est le pire qui nous attend.

En 1936, le Front Populaire triomphe. Pierre Semard en négociant avec Léon Blum, obtient que ce dernier fasse pression auprès des compagnies de chemin de fer pour l’obtention de 21 jours de congés payés, la semaine de 40 h, la mise en place de conventions collectives et la réintégration de tous les révoqués de la grève de 1920.

Le 1er janvier 1938, lors de la création de la SNCF, Pierre Semard devient l’un des quatre administrateurs salariés. Au lendemain de la grève du 30 novembre 1938, il est révoqué du Conseil d’Administration pour avoir appelé à la grève.

S’en suit un conseil de discipline qui le rétrograde au rang d’employé aux écritures à Loches.

La gare de Loches étant la dernière gare où Pierre Semard a pu exercer ses fonctions de cheminot.

Pierre Sémard proposait dès la création de la SNCF une réorganisation des réseaux, accompagnés d’une coordination de tous les moyens de transport, dans l’intérêt des usagers et de la collectivité, avec une répartition du trafic en considération du rôle primordial du rail et une égalisation des charges sociales dans tous les transports.

Il n’a cessé de plaider pour l’établissement de solidarités entre les salariés de la route et du rail afin de mieux défendre leurs revendications mais aussi celles des usagers. A cet égard,  il aimait rappeler que notre fédération avait à l’époque déposé un projet de statut des personnels routiers dont le contenu était équivalent à celui des cheminots.

Pierre Semard fut arrêté le 20 octobre 1939 à Loches, se retrouva à la prison de la Santé et comparut le 6 avril 1940 devant un tribunal militaire. C’est pour infraction au Décret du 26 septembre 1939, qui prononçait la dissolution du PCF, qu’il fut condamné à 3 ans de prisons et 5 ans de privation de ses droits civiques.

Le 20 mai 1940, Pierre Sémard est transféré à Bourges ou il fut incarcéré pendant près de dix-huit mois durant lesquels il écrivit beaucoup.

Malgré son enfermement, il garde toujours des contacts avec la direction de la
fédération des cheminots devenue clandestine dans cette sombre période, ainsi qu’avec sa fille Yvette. Pendant cette période d’incarcération il écrit des textes qui témoignage de sa captivité. Notamment un texte sur Victor Hugo et son livre « les misérables » où il écrit : « Les deux personnages, Gavroche et Jean Valjean, soulignent avec éloquence tout le prix qu’il faut attacher à la liberté et comment elle inspire les actes de ceux qui possèdent un esprit libre ».

Au début de l’année 1942 il est déplacé au camp d’internement de Gaillon, puis conduit le 6 mars à la prison d’Evreux.

Avant de mourir, Pierre Semard nous laissa une lettre, sans aucun doute sa dernière :
« Une occasion inespérée me permet de vous transmettre mon dernier mot, puisque dans  quelques instants, je serai fusillé. J’attends la mort avec calme. Je démontrerai à mes bourreaux que les communistes savent mourir en patriotes et en révolutionnaires.
Ma dernière pensée est avec vous, camarades de lutte, avec tous les membres de notre grand parti, avec tous les Français patriotes, avec les héroïques combattants de l’Armée Rouge.
Je meurs avec la certitude de la libération de la France. Dites à mes amis les cheminots que ma dernière volonté est qu’ils ne fassent rien qui puisse aider les nazis. Les cheminots me comprendront, ils m’entendront, ils agiront, j’en suis convaincu.

Adieu chers amis. L’heure de mourir est proche. Mais je sais que les nazis qui vont me fusiller sont déjà vaincus ».

Son appel fut entendu. Après des mois de résistance qui n’ont cessé de s’amplifier et sous toutes les formes, les cheminots ont porté un coup terrible à l’occupant par la grève, le 10 août 1944, la seule grève dont on peut réellement dire qu’elle fut politique puisque «insurrectionnelle» la seule qui est officiellement commémorée avec les honneurs militaires, par une cérémonie sous l’Arc de Triomphe.

Les cheminots ont payé un lourd tribut à la paix, à l’indépendance et à la liberté, puisque 8 938 y laissèrent leur vie, 15 977 ont été blessés pour faits de Résistance et 1 157 sont morts en déportation, dont bon nombre de militants CGT.

De sinistres personnages ont profité de cette période pour apparaître sous leur vrai visage. C’est le cas de Marcel DEAT collabo convaincu et affirmé. Il fonde en 1941 un nouveau parti, le rassemblement national populaire. Parti favorable à l’occupant nazi. Et oui, le rassemblement national, l’histoire se répète. Le nom choisi par Mme Le Pen n’est pas
le fruit du hasard.

D’autres héros de cette période partageait les idées de Pierre Semard. Il s’agit de Missak Manouchian et des Francs- Tireurs et Partisans- Main-d’œuvre Immigrés entré dernièrement au Panthéon avec sa femme Mélinée. Ils ont joués un rôle actif contre la montée du fascisme. C’est d’ailleurs dans les MOI que commença à militer notre camarade Henry KRAZUCKI. Manouchian et ses camarades ont aussi été assassinés par les nazis au mont Valérien.

Lors de son simulacre de procès, Missak Manouchian répondit à ses juges français : « Quant à vous, vous êtes français. Nous, nous avons combattu pour la France, pour la libération de ce pays. Vous, vous avez vendu votre conscience et votre âme à l’ennemi. Vous avez hérité de la nationalité française. Nous, nous l’avons méritée ». Aujourd’hui, avec les règles en vigueur et la loi immigration écrite par l’extrême droite, qu’arriverait-il au petit Missak s’il débarquait, lui petit juif arménien, sur le port de Marseille. Il serait appelé « migrant », on le pourchasserait, on l’enfermerait et on l’expulserait. Lui et tous ses camarades de l’affiche rouge, « 20 et 3 étrangers et nos frères pourtant » avec leur nom « difficiles à prononcer » disait Aragon.

Les sujets de luttes sont nombreux. La diffusion des idées d’extrême droite, l’inflation menée par de grands groupes capitalistes, la destruction de nos services publics, la casse de notre belle SNCF avec la fin du FRET SNCF, l’ouverture à la concurrence, la création de filiales, les transferts de cheminots, la casse des droits des cheminots, les attaques et répressions envers nos camarades CGT, la volonté de mettre fin à notre régime spécial, Etc … la situation internationale très préoccupante, les guerres, le dérèglement climatique, etc… Nous ne les laisserons pas faire. Les mots liberté, égalité et fraternité ne sont pas là pour décorer nos mairies. BATTONS-NOUS.

La CGT est opposée, par essence, à une quelconque logique belliqueuse. Nous condamnons toute occupation des territoires en violation du droit international.
L’occupation militaire des territoires constitue une violence inacceptable. Le CGT réaffirme son engagement pour un monde exempt d’armes de destruction massive et prône le désarmement, notamment l’élimination des armes nucléaires. En tant qu’organisation syndicale, nous sommes préoccupés par la situation des travailleurs et de leurs familles dans les pays en guerre, de même que nous sommes très inquiets de voir que le droit international est bafoué. Les conflits armés continuent de conduire des populations à la misère, alimentent la haine entre les peuples et la montée des fanatismes. NOUS SOMMES RESOLUMENT POUR LA PAIX.

Le combat et l’engagement de Pierre Semard, celui de la classe ouvrière, portés par la CGT et le PCF, qui rappelons le, étaient interdits à l’époque, se retrouvent dans les programmes du Conseil National de la Résistance baptisé « les jours heureux ».

Ce programme porté par Jean Moulin, outre le plan d’action militaire pour libérer le pays, prévoyait un programme économique, politique, social et démocratique pour la reconstruction du pays.

Un pays ruiné par 6 années de guerre mais qui a mis en place sur plusieurs années la nationalisation des entreprises ferroviaires dont les patrons avaient collaboré, la création des comités d’entreprise, la création de la sécurité sociale, la retraite par répartition, le retours à la semaine de 40 h, abolie par Pétain, la nationalisation du gaz et de l’électricité, le droit de vote des femmes, 3ème puis extension de la 4ème semaine de congés payés, la création du SMIG, des ASSEDICS, du statut de la fonction publique, l’augmentation immédiate de 18 % des salaires.

Ces acquis de la Libération constituent toujours un socle social révolutionnaire. Ce n’est pas un hasard, si depuis ces dernières années les différents gouvernements en place  s’attachent à démanteler progressivement le programme du Conseil National de la Résistance.

L’heure est encore à la résistance, mais aussi à la conquête de droits et d’acquis sociaux nouveaux. La fédération CGT des Cheminots porte un projet révolutionnaire ; le NSTC, le Nouveau Statut du Travail Cheminot.

Rendons hommage à la mémoire de notre camarade Pierre Semard en réaffirmant notre volonté inébranlable de défendre ce pourquoi il a combattu jusqu’au dernier souffle.

Merci de votre écoute

Télécharger l’intervention  Commémoration 2025 Pierre Semard UFCM CGT 

 

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